mercredi 15 juin 2011

Conquête de l'Ouest : suite et fin

Mardi 14 juin 2011, 16h12, Darwin, Nothern Territory


Introduction : "Carnarvon" ou "si la météo est Dieu, le garagiste est le Diable"

Oihan : Carnarvon est une petite bourgade fort étrange. A peine sortis du Magic Bus, on sent déjà une petite différence par rapport aux villes du Sud. L'air est un peu plus chaud et humide, les palmiers commencent à se dresser au bord des rues, et les magasins et bananeraies portent encore les marques des inondations qu'à subi le nord de l'Australie en décembre dernier. Petite étrangeté supplémentaire : les aborigènes et les blancs ont l'air de s'entendre à merveille. En général, il est très rare de voir des abos travailler, et encore plus inhabituel de les voir discuter et rigoler avec des blancs. On se dit de suite : "super, les australiens ont l'air plus progressistes et tolérants ici !" On déchante légèrement avec la deuxième petite étrangeté : les habitants de Carnarvon haïssent sans retenue les backpackers.

Top 3 des raisons qui peuvent pousser les habitants de Carnarvon à haïr les backpackers :
- leur haine pour les aborigènes s'étant dissipée, il leur faut absolument un nouveau bouc émissaire pour satisfaire leurs besoins quotidiens de ralage-ragotage-enguelage-australio-puritain
- leurs bananeraies étant dégommées, ils passent leur journée à jeter les pauvres backpackers sans-le-sous qui cherchent désespérément un boulot, ce qui a pour effet d'une part de leur rappeler à quel point leur plantation est pourrave et leur récolte fichue, et d'autre part d'immobiliser les backpackers qui ne peuvent plus se payer un plein d'essence, et qui zonent donc un peu partout dans la ville, ce qui contribue un peu plus au ralage-ragotage-enguelage-australio-puritain
- 80 % des backpackers (français en général) sont des gros débiles qui volent à tour de bras dans les supermarchés, et l'ensemble du corps policier et judiciaire de Carnarvon est sur le qui-vive pour palier à ce grand mal. C'est vrai que c'est complètement nul de la part des backpackers de profiter du laxisme des australiens, pour qui la "pauvreté" est juste un concept qu'ils apprennent brièvement à la télé quand passe un spot publicitaire pour le parrainage d'enfants africains entre deux flash infos "chiens écrasés" (et donc dans la même lancée, le "vol" est un sujet vaguement survolé dans quelques téléfilms), mais là ça frise un peu le n'importe quoi ! Une fille qu'on a rencontré s'est faite embarquer dans l'estafette, jugée au tribunal, et pendue haut et court (non là j'invente) pour avoir volé un pot de Nutella. Après avoir annoncé la sentence, le juge lui a dit "attention en voyageant au Nord, le Nutella est de plus en plus cher !"

Autant vous dire que la tension est palpable. Les gens sont désagréables au possible, les flics / rangers / agents de sécurité peu coopératifs, et les caissières de supermarché plus que méfiantes. Qu'importe ! Nous ne restons pas longtemps, juste le temps de faire le plein de bouffe, essence, eau, gaz et clopes, comme d'habitude. A la tombée de la nuit, nous voilà au bord de la highway, direction la barrière de corail de Ningaloo Reef, rêvant déjà des poissons multicolores et coraux extravagants que nous allons voir le lendemain. Au petit matin, l'ambiance est beaucoup moins joviale : il pleut des cordes. Et quand il pleut, ça ne sert à rien d'aller faire de la plongée ! On se rue sur internet : pluie pendant cinq jours. NOOOOON ! On n'avait vraiment pas prévu ça. Mine de rien, on s'habitue à ne plus se soucier du tout de la météo tant elle est monotone : soleil et ciel bleu tous les jours. On va devoir attendre ici quelques jours...


Pas grave. Ca va nous obliger à faire les trucs qu'on doit faire depuis longtemps et qu'on laisse traîner, au nombre de trois : laver le linge, peindre The Magic Bus et aller au garage changer la courroie de la clim qui fait beaucoup de bruit. Le rendez-vous au garage pris et le linge lavé, il ne nous reste plus qu'à trouver un abri pour peindre le van. On se dirige vers la plage où il nous semble nous souvenir que le toit du bloc des sanitaires s'étend sur le bord, pouvant peut-être fournir un abri. Sur place, "l'abri" n'est en fait pas si grand. On y rencontre des backpackers avec qui on discute toute l'après-midi, repoussant à un autre jour la peinture sur van (à y repenser, j'avoue que mon idée "on avance le nez du van sous l'abri, on le peint, on laisse sécher, on tourne le van, on peint, etc..." était plus que foireuse). On passera les quelques jours suivants en compagnie de ces backpackers avec qui on s'est bien entendus. On parviendra même à peindre le van lors d'une éclaircie.


Cinquième et dernier jour de sale temps, enfin ! On va au garage pour notre petit rendez-vous. On savait depuis un moment que la courroie de la clim était sur le point de rendre l'âme, mais là elle commençait à faire un bruit énervant, autant la changer de suite. Mais bien sûr, d'après le théorème du garagiste, il faut absolument qu'on change le compresseur, la poulie, le ventilateur, l'autoradio, le sapin magique et les housses des sièges ou le moteur va exploser dans l'heure. On n'a évidemment pas $1000 à investir dans une clim qu'on utilise très peu, et on choisit l'alternative "on enlève la courroie tout court pour que la clim ne marche plus, mais ne risque pas de faire tout péter". Résultat : on va au garage pour un petit bruit, on en ressort avec $100 en moins, et plus de clim (qui marchait pourtant très bien avant). Vade retro garagistas !

Chapitre I, petit a :  "Ningaloo Reef" ou "la barrière de corail en meilleure santé de toute la planète"


Oihan : Enfin c'est le départ. On franchit les dernières centaines de kilomètres qui nous séparent de Coral Bay, premier point d'observation de la barrière de corail, en compagnie de Pierre, Théo et Hélène, trois des backpackers de Carnarvon. Sur la route, le paysage devient de plus en plus différent. La terre vire doucement au rouge, la ligne d'horizon s'éloigne de plus en plus, et la végétation se raréfie. D'immenses termitières se dressent çà et là, sublime héritage de dizaines d'années de travail de termites (en fait j'es sais rien, c'est peut-être centaines, ou juste quelques mois, faudrait que je demande à un ranger). Sur la route, on croise une voiture qui a crevé, mais continue à rouler sur la jante depuis plusieurs centaines de kilomètres maintenant à en juger du sillon qu'elle creuse dans le bitume à son passage. On se félicite d'avoir acheté une roue de secours et un crick il y a de ça quelques mois. Dans ce coin de l'Australie, on peut ne pas croiser de villes décente pendant plus de 500 km.


Enfin nous voilà à Coral Bay ! On a nos masques, tubas, palmes, appareil photo waterproof Kodak, il est temps de goûter à l'eau ! Pas de chance, le ciel est un peu couvert, et la visibilité dans l'eau est donc assez mauvaise. Mais ça n'a pas de très grande incidence sur le spectacle. Déjà depuis le sable, alors qu'on est en train de chausser nos palmes, on peut voir de l'extérieur, à travers l'eau transparente, des petite raies, des "poissons seringues", d'énormes poissons bleu turquoises qui se battent avec une sole... Une fois la tête dans l'eau, il suffit de nager à quelques dizaine de mètres de la plage pour se retrouver au niveau de la barrière de corail. 


Et là, c'est tout simplement magique. On a l'impression d'évoluer dans une jungle sous marine tant le corail est dense et varié. Aucun poisson ne se ressemble, il en va de toutes les tailles, formes, couleurs, comportement... En règle générale, plus le poisson est gros, plus c'est une mauviette. Mais les petits poissons se laissent observer sans retenue. La vie semble s'être si bien organisée la dessous. Les habitants des coraux connaissent le quartier comme leur poche, ils se faufilent entre les arbres et hautes herbes sous marines, se cachent de leurs prédateurs, picorent des petits bouts de corail en apéro. Les bébés se cachent entre des recoins de corail ou d'anémone à notre approche, tandis que les parents gardent un œil sur le voisinage, prêts à intervenir. 



Au milieu de l'eau, on croise un plongeur : "allez au bout, c'est juste magnifique ! j'ai vu des requins, des tortues, des raies ! mais n'allez pas derrière les vagues, c'est le territoire des requins tigres". On commence donc à se diriger vers le bout de la barrière de corail, tout en en prenant toujours plein les yeux. Au bout d'un moment, légèrement apeurés par les recommandations du plongeur sur les requins tigres, on fait demi-tour, sans rien voir de la liste qu'il avait annoncé. Sur la plage, la tête nous tourne pendant quelques minutes. A force de respirer à travers le tuba pendant plus d'une heure, on fait un peu d'hyper-ventilation. Le soir, sur le "parking à backpacker" à la sortie de Coral Bay, on rencontre un français qui nous explique que si on nage jusqu'à la pointe Nord de la plage, on sera au chef lieu des tortues et raies manta. On décide d'écourter la soirée pour se lever tôt le lendemain et aller explorer cette pointe Nord.


On nage beaucoup, beaucoup. Près de trois heures dans l'eau, sans voir grand chose. Le corail est de plus en plus triste ici, très peu coloré, très peu abondant. Le français de la veille, qui savait tout sur tout (soupir) nous disait que cette barrière de corail était toute pourrie, à demi morte, et que c'était pour ça que le corail était si délavé. Ca nous avait pas mal attristés sur le moment. Quelques jours plus tard, un cycliste transpirant canadien (j'y reviendrai) nous avouera que si le corail est si blanc-gris ici, c'est à cause de la température de l'eau, et que malgré les apparences, Ningaloo Reef est la barrière de corail en meilleure santé de la planète. Bref, pour l'instant on nage toujours, sans voir l'ombre d'une tortue. On finit par arriver à la pointe Nord, exténués, haïssant une peu le français qui nous a donné cette idée pourrie. Surtout qu'on a tellement nagé qu'il nous faut marcher une heure dans le sable pour retourner sur la plage principale. Et bien sûr, on est en maillot de bain, sans chapeau, tee-sheart ni crème solaire. Une heure plus tard, on se laisse mourir à l'ombre d'un arbre. Mine de rien, "ça fait le sport" ! On fini la journée par une petite partie de pêche. Le poulet a tourné dans la glacière, et alors qu'on allait le jeter à la poubelle, on nous a dit que les poissons raffolaient du poulet avarié, et qu'on ferait bien de s'en servir comme appât. Sur place, devant le soleil couchant, les poissons en raffolent tellement qu'ils arrachent l'hameçon et le fil au passage. Tant pis, on mangera du thon en boîte.


Chapitre I, petit b : "Exmouth" ou "l'ultime chance pour nous de voir quelque chose de spectaculaire en plongée avant les plages interdites du Nord"

Isabelle : Nous voilà à Exmouth, ville côtière suivante après Coral Bay, plus motivés que jamais pour aller plonger ! On passe comme d'habitude notre première journée en ville pour se réapprovisionner en biens vitaux : essence et nourriture. On retrouve deux Toulonnais qu'on avait rencontrés à Carnarvon, Baptiste et Marina, qui eux aussi avaient quitté Coral Bay bredouilles. Le spot de plongée est en fait à quelques kilomètres d'Exmouth, dans un National Park, et donc payant. Soit dit en passant, on commence en avoir marre de payer pour de la NATURE !! On décide donc de ne rentrer dans le Park que le lendemain matin, pour pouvoir en profiter au maximum. Qui dit partir le lendemain dit dormir dans cette petite ville et on sait très bien que, encore une fois, on va devoir jouer au chat et à la souris avec les rangers pour pouvoir dormir tranquilles ! Ca n'a pas loupé ! Alors qu'on venait de garer le van près d'une plage et qu'on commençait à cuisiner à l'arrière, une patrouille de police est venu nous expliquer qu'on pouvait pas rester là. Bien plus gentil que le ranger de Coral Bay (on s'était fait virer la veille), ce policier nous a même donné une astuce pour ne pas se faire prendre par ses collègues : "Prenez à droite et montez jusqu'au phare, tout là haut. Vous serez à l'abris !". On passera la nuit au phare, sans savoir la vue imprenable que l'on allait découvrir le lendemain matin. Surplombant toute la péninsule, le lever du soleil est tout simplement magnifique. Petit déjeuner et en route pour Cape Range National Park !


À peine arrivés et après notre habituel passage à l'Information Center, on découvre notre spot de plongée : Turquoise Bay. On est d'accord, les Australiens ne sont pas daltoniens.


Au centre info, ils nous ont bien prévenu : "il y a beaucoup de courant donc démarrez à gauche de la plage et laissez-vous "drifter" (porter par le courant). Surtout n'allez pas plus loin, à droite car vous vous ferez tirer vers le large." Oihan est autant excité qu'un gamin la veille de Noël ! Il met son appareil photo numérique dans la poche étanche que l'on a achetée à Coral Bay dans un magasin de plongée. Youpii ! Il y a déjà plein de poissons tout au bord ! Après quelques photos, la poche fait de la buée, l'appareil commence à transpirer... étanche, c'est sûr ? Pourtant, l'appareil n'en ressortira pas vivant. Oihan est fou, c'était l'appareil qu'Edith lui a si gentiment prêté pour le voyage... Nous partons de gauche comme on nous l'a dit, mais je sais pas pourquoi, selon Oihan il faut aller LOIN pour voir des tortues. Je le suis mais il y a trop de vagues et on se fatigue très vite avec le courant. L'eau salée que je bois à plein gorgée me donne vraiment envie de vomir. Tant pis, on a rien vu mais je repars au sable. 


Tout' façon c'est l'heure de manger ! On fait apparemment peine à voir sur le parking. On croise Baptiste et Marina, qui eux, ont vu une tortue. "Non mais après fallait la voir aussi, elle était de la même couleur que le corail." Merci de compatir à notre peine. Et là, c'est la goutte d'eau. Alors qu'on déjeune tranquillement, on entend un couple (français encore) revenir sur leurs exploits : "Attends, je l'ai mesurée la tortue avec mon avant-bras, elle était grosse comme ça j'te dis ! Et toi, ton requin, c'était plus 1m50 ou 2m50 ?". AAARGH ! Chaque mot nous transperce le coeur. Mais on est nul ou quoi ?? Ni une ni deux, nous voilà reparti, malgré ma nausée. Cette fois ci, c'est promis, on se laissera aller, pas question de nager. Je me mets en mode "yeux de lynx" et à peine entrés dans l'eau, j'aperçois une raie grise, tachetée de points violet. Plutôt stylée la raie ! On ne sait pas trop si c'est méchant donc on se contentera de rester à la surface. 10min plus tard, je m'exclame : "Blubluuublluuu bluu blubluuuue!!!!" "Quoi ??" "J'ai dit, ya une tortuuuuuue !!!" 


Elle est majestueuse. On s'amuse à nager à ses côtés sur quelques mètres, c'est génial ! Parfois, elle remonte à la surface pour respirer et c'est rigolo de sortir la tête en même temps qu'elle, pour voir sa petite tête apparaître à l'air libre. Elle fait tout ça si lentement qu'on se demande si elle ne vient pas de fumer un joint. D'ailleurs, j'ai revu le film Le monde de Nemo ici, en anglais. Je ne me souvenais pas que ça se passait en Australie.  Et à un moment, la tortue dit "No worries mate !" et c'est exactement ça ! Cette expression typiquement australienne lui colle à la peau. 


Allez, laissons la tranquille un peu cette tortue qui a l'air de vouloir nous semer et qui doit se dire "Mais qu'est ce qu'ils ont ceux-là à me suivre partout". Quelques instants plus tard : "Oihaaaan, une deuxième tortuuuue". Elle a l'air un peu plus grosse que l'autre mais celle-ci, on ne l'embêtera pas. Oihan commence à se demander s'il ne devrait pas aller chez l'ophtalmo à son retour. Pour le prochain poisson, c'est moi qui aurait aimé avoir des problèmes de vue. Mais non, c'est bien un REQUIIIN !! Evidemment, on sait que c'est un "reef shark", un petit, et qu'en général, c'est plus eux qui ont peur de nous. Mais bon... c'est quand même pas très rassurant. À peine ai-je eu le temps d'appeler Oihan qu'il s'était déjà échappé. Là pour le coup, on fait moins les malins et cette dernière rencontre va nous pousser à rentrer au bord plus vite que prévu ! Sur le sable, on retrouve Marina, Baptiste et l'autre couple français. On raconte tout ce qu'on a vu, la taille, la couleur, TOUT ! Ca y est, on fait partie du groupe des forts maintenant ! Ahah ! On quittera la région avec des étoiles plein les yeux et du soleil plein le coeur.


21 mai : journée de merde.
8h : on quitte Exmouth sur une engueulade (et oui ça arrive). Déjà la journée commence mal.
Sur la route de Karijini National Park, on double un mec à vélo, au milieu de rien et on se dit que, vraiment, les gens qui font l'Australie à vélo, ils ont du courage. Quelques kilomètres plus tard, après s'être arrêtés pour manger, on retombe sur lui, qui, cette fois-ci, fait du stop car il a crevé. Ok, monte, on t'amènera au premier roadhouse. Ah oui, mais attend, on n'a pas vraiment de place pour une personne + son vélo... C'est pas grave, apparemment, si on pousse ça rentre. Après avoir fait des traces noires partout avec son vélo, le cycliste puant de transpiration comme jamais, s'installe sur nos oreillers. C'est un Canadien, un peu bizarre, qui fait tout le tour à vélo, en mangeant que du riz et qui pue vraiment la transpiration. Ok, je l'ai déjà dit. Il nous explique qu'il sait comment tuer des mouches : "tu viens tout doucement au-dessus d'elle, et au moment où elle s'envole, CLAP, tu fermes les deux mains." Mmm, intéressant. "Et donc à part ça, est ce qu'il y a des fois où t'as pas le moral, où t'as pas envie de pédaler ? Tu dois avoir l'esprit encore plus fort qu'un simple sportif, non ?" "Ben ouais, des fois il pleut et je passe des supers journées, et puis des fois, il fait très beau comme aujourd'hui et je passe des journées de merde." Ok, super ! Je vois qu'Oihan commence à accélérer, il semblerait que lui aussi ait envie d'arriver rapidement au roadhouse.

Le dingo, chien sauvage du désert australien

Oihan : On arrive enfin au roadhouse. Le cycliste canadien (qui ne s'est même pas présenté d'ailleurs) ajoute quelques marques de graisse et de pneu dans notre van en enlevant précipitamment son vélo, et se casse en remerciant vaguement. On reprend la route, qui est cela dit magnifique. La terre brûle d'un rouge torride, d'immenses rochers, parfois des montagnes, apparaissent au milieu du désert. On est en plein milieu du Pilbara, l'une des régions les plus désolées d'Australie, et on imagine ce que ça doit être de découvrir ces paysages les premiers. On croise très peu de gens sur la route, beaucoup de road-train, qui nous balayent comme des mouches à leur passage, nous soufflant leur vent chaud aux effluves de bétail entassé. Pour couronner cette "journée de merde" (tout est relatif, on a quand même traversé des paysage somptueux, disons "de merde" en ce qui concerne les rapports humains), à l'approche d'un pont à sens unique comme il y en a beaucoup ici, on jauge rapidement à qui de nous ou du pick-up qui arrive comme un porc en face revient le droit de passer en premier. C'est sans hésitation à nous, et on salue poliment le pick-up qui n'a pas ralenti d'un cil au moment de le croiser. En réponse à notre salut, l'homme au volant, chemise à carreaux / chapeau de cow-boy, nous gratifie d'un vulgaire et expressif doigt d'honneur, grand sourire ("maléfique" dirait Isabelle) aux lèvres. Un tel geste peu sembler très anodin en temps normal, mais dans notre situation, au milieu du désert, à la tombée de la nuit et donc en quête d'un refuge sur le bord de la route, et surtout la haine grandissante qu'on les locaux (très rustres soit dit en passant)  pour les backpackers en tête, il nous en faut peu pour faire rapidement le rapprochement avec le personnage principal du film "The Wolfe Creek". Pour résumer rapidement, "The Wolfe Creek" est un film d'horreur tiré (soit disant) d'une histoire vraie, racontant l'histoire d'un tueur en série qui charcuterait les backpackers s'aventurant à Wolfe Creek, un cratère de météorite célèbre au sud de la petite ville de Halls Creek, Western Australia. C'est une référence dans le milieu du backpackisme ; tout le monde se doit de voir ce film pour profiter de son voyage en Australie à sa juste valeur. Mais bien sûr, le tueur (s'il existe vraiment) court toujours. Et ce mec dans ce pick-up ressemble fortement, de part son physique et son obscénité provocatrice, à la description du dit tueur. C'est donc dans un climat peu apaisant, que l'on essaye tant bien que mal de passer une bonne soirée dans notre chez-nous d'un soir.


Chapitre II : "Karijini National Park" ou "des piscines à 300 pieds sous terre"

Oihan : On fait le plein dans une petite ville perdue du désert, peuplée exclusivement de mineurs et de quelques aborigènes. J'ai du mal à voir en quoi vivre ici pourrait être enrichissant. On entre finalement dans le Karijini National Park. Enfin, selon les panneaux, d'abord ce sera 50 km de dirt road (route pourrie), donc une journée de route. Hormis les cailloux, trous, bancs de sable et ornières qui jonchent ces routes, le principal problème est les "wave-roads", ces tronçons en permanence ondulés par les ruissellement des inondations de la saison humide. Deux solutions pour rouler sur ces routes : 5 km/h, pépère, tout doucement, en se baladant de gauche à droite sur la chaussée à la recherche de la meilleure qualité de route, ou bien 80 km/h, de sorte que le van "vole" au dessus des trous. En 4x4 c'est plutôt facile, mais en van c'est une autre histoire. Tout d'abord, la phase d'accélération pour arriver à la distance critique de 80 km/h est perçue comme un tremblement de terre decrescendo. Puis une fois à 80 km/h, autant vous dire qu'on n'est pas du tout rassurés ! Par principe, vu que c'est ce qu'on recherche à rouler si vite, le van est en quasi-lévitation au dessus du sol, et le moindre virage n'est autre que dérapage, les trous inévitables, et plus la route est pourrie, plus il faut accélérer ! Si bien qu'on stresse tellement qu'on se voit obligés de ralentir, et c'est parti pour le séisme crescendo, avec le bouquet final "marteau piqueur" aux alentours de 30 km/h. Et on reprend à 5 km/h, on laisse notre pouls se calmer, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on en ait de nouveau marre de rouler si doucement.


On arrive quand même sur place une heure avant la tombée de la nuit, et on s'autorise une petite ballade dans l'une des gorges avoisinantes. Le sentier d'approche des gorges est une sorte d'escalier naturel creusé dans la roche, qui nous fait rapidement descendre dans les profondeurs des gorges. Un fois en bas, c'est le coup de foudre ! La végétation est abondante, la roche de part et d'autre est sublime, et le petit filet d'eau qui se faufiles au fond de la gorge nous apaise de cette dure journée à rouler dans les "tagadagadagada". A force de s'enfoncer dans les gorges, les parois se rapprochent, deviennent plus verticales, et l'eau plus profonde. On finit la ballade à la nage, vivifiés par l'eau gelée. Parfait avant d'aller dormir.



Le lendemain, c'est journée sportive ! On essaye de faire le plus de marches / canyons / cascades / piscine naturelles qu'on peut dans la journée, vu que le billet d'entrée (encore... tous las national park du Western Australia sont payants) n'est valable que pour une journée. On en prend plein les yeux (des paysages), plein les pieds (des kilomètres), plein les poumons (surtout pour moi le fumeur). On marche, on saute, on plonge, on nage toute la journée, et ça reste sans hésitations l'un de nos meilleurs souvenirs d'Australie. Je vous laisse en juger par vous-même.








Chapitre III : "En route pour Broome" ou "euh... ben en route pour Broome, quoi !"

Oihan : On reprend la route, la longue route du Nord. Il n'y a vraiment rien d'autre à faire que rouler, rouler, rouler. On passe même dans des endroits "blancs" sur la carte, rien aux alentours de la route (alors que l'échelle est quand même de 100 km pour 2 cm). Des roadhouses, des vaches, des déserts, des lignes droites, du sable rouge, de la broussaille, un soleil de plomb... Port Hedland, ville de merde, moche, industrielle, portuaire. Pour nous, ça n'est qu'une pompe à essence, un robinet d'eau et un supermarché. Enfin, cette ville a un petit truc en plus ; pour la première fois (pour moi en tout cas), j'entends : "n'allez pas vous baigner, c'est pleins de crocos ici". On reprend la route. On fait un petit crochet par la Eighty Miles Beach (je vous laisse faire la conversion en kilomètres, ça fait long pour une belle plage où l'on ne peut pas tremper un orteil) histoire de voir. Pour résumer : pêcheurs, douche, vidange, et requin mort sur la plage. Pour moi, c'est mon premier requin en Australie ! Bon d'accord, il fait 30 cm de long... Pour The Magic Bus, c'est sa troisième vidange depuis qu'on l'a acheté, soit plus de 20 000 kilomètres (une tous les 10 000 km, plus une au tout début). Je sais, en France on est censés faire une vidange tous les 5 000 km, mais bon, ici on est en Australie, le pays où on a le droit d'avoir 4 pneus différents, un kit nitro installé dans le moteur (tant qu'on promet de ne pas l'utiliser, lol), et ce qu'on veut écrit sur la plaque d'immatriculation (on en voit des belles d'ailleurs, du style "ILOV3KI" = "I love Kangaroo Island", ou "CUTTI3", ou "OWTBK" = "Outback", "BELI3VT8UTH" = "Believe in truth", "ROCK666", et j'en passe... tant que j'en suis à parler des plaques d'immatriculation, on peut aussi choisir la couleur, mettre le logo de son équipe de foot-australien préférée, et choisir l'une des phrase-type associée à chaque état, du style : "NSW, the first state", ou "SA, the festival state", ou "VIC, on the move", etc. c'est un peu du délire).


Isabelle :  En ce qui concerne la douche. Jusqu'à présent, on avait été assez bons en terme de douche. On avait toujours réussi à en trouver sur les plages, nous permettant de nous doucher une fois tous les 2 jours. Mais le jour de la vidange, en se prenant une "solar shower" (douche solaire), on s'est rendu compte qu'on était assez mauvais ces derniers temps. En moyenne, c'est une douche par semaine en ce moment, et ça craint ! En tout cas ce jour là, on part de notre "bushcamp" le sourire aux lèvres car le van est requinqué, et nous, on est tout beau tout propre !

On arrive à Broome jeudi 26 mai. Le premier arrêt est à Cable Beach, la soit-disante plus belle plage d'Australie (il y en a une dans tous les états). Je vous passe du long récit historique concernant le nom de cette plage, mais en gros, à l'époque, les "Broomiens" péchaient la perle et c'était devenu un marché international tellement important qu'ils ont eu besoin de rester connectés avec le reste du monde pour connaître le cours du marché de la perle, et ont donc installer un câble télégraphe reliant la plage de Broome à Java, île d'Indonésie. VOILA pour votre culture G ! En tout cas, on est agréablement surpris par l'ambiance de cette petite ville, aux allures plutôt hippies je dirais. Pour ma part, je suis allée me renseigner pour un de mes futurs projets, dans une asso de volontariat / écotourisme, quant à la protection d'une certaine race de tortues en voie d'extinction. Seule petite déception lorsqu'on a été témoins, encore une fois, d'un conflit "australio-backpackerien". Alors que 3 jeunes backpackers avaient étendu leur linge entre 2 arbres d'un parc, et qu'ils étaient tranquillement en train de pique-niquer à côté, un mec en moto est arrivé près d'eux et les a insulté devant tout le monde : "...fucking backpacker...fucking clothes...fucking park...fucking underwares....fucking roms...fuck...fuck...". Bon en gros, il était très énervé de voir des vêtements étendus dans un lieu public, et il en avait assez des gitans comme nous.


Tout ça pour dire que vraiment, si vous aviez pensé venir en Australie en lisant notre blog, ben changez vos plans parce qu'il y a vraiment trop de jeunes en sac à dos, et les Australiens deviennent de plus en plus racistes envers eux. Il y a quelques années, les backpackers trouvaient facilement du boulot, dormaient un peu partout dans leur van et se sentaient vraiment les bienvenus. Maintenant, tout a changé. Il faut jouer au chat et à la souris avec les rangers et la police, comme je l'ai déjà expliqué, pour trouver un endroit pour dormir, se battre avec des centaines de backpackers pour décrocher un boulot dans la même ville, et surtout supporter les regards dédaigneux et autres critiques des Australiens. Je vous assure je n'exagère pas ! On en parle beaucoup en ce moment avec les autres jeunes qu'on rencontre, et je pense que ce sera (pour moi) une des raisons de mon départ.


Chapitre IV : "Prochain arrêt, Darwin !"

Prochaine étape après Broome, c'est le Kimberley, une des régions les plus sauvages, les plus dangereuses et donc une des plus belles de l'Australie. Une seule route le traverse mais elle n'est réservée qu'aux 4WD (4x4). On avait pensé la prendre sur quelques centaines de kilomètres mais après notre passage à Karijini, on a 2 crevaisons lentes à l'arrière et un énorme ras le bol des dirt roads en général. On se contentera malheureusement de le contourner par le Sud, sur de la route goudronnée. Il n'y a pas grand chose à faire sur la route (Oihan : moi je l'ai bien aimé cette route, y'avait des baobabs ! j'aime bien les baobabs. c'est beau les baobabs) mais on trouve quand même une petite gorge pour se dégourdir les jambes et tenter de voir un croco pendant la ballade : sans résultat. À coup de 400km/jour, on arrive très rapidement dans le Northern Territory (NT) et c'est la 2ème fois pour ma part. +1h30 de décalage horaire, juste pour avoir roulé quelques jours, c'est troublant ! Heureusement, notre vie de bohème nous a permis de ne pas en souffrir. Depuis quelques temps, on est réglé comme le soleil : on se couche à 20h vite après le coucher du soleil et on se lève vers 6h, aux premières lueurs. Plus besoin de montre !


Arrivée à Katherine. Ca y est, la boucle est bouclée ! C'est la 1ère fois que je reviens dans un endroit que j'ai déjà vu en Australie. C'est excitant et bizarre à la fois. Il y a 3 mois, c'était encore la wet season et tout était inondé. Depuis la végétation a énormément poussé et le taux d'humidité a chuté : le risque de bushfire accidentel (feu de forêt) est donc très élevé. Par sécurité et parce que c'est bon pour la terre, à cette époque de l'année, les australiens provoquent eux-même des feux, qu'ils contrôlent évidemment. C'est un drôle de contraste pour moi de voir ces feux, là où tout était lacs et marécages il y a 3 mois !

Sur la route de Darwin, on s'arrête aux Edith Falls. La saison sèche commence à peine donc on a la chance de voir les chutes encore bien en forme. En faisant quelques ballades dans le parc, on tombe sur 2 serpents en l'espace de 2 mètres... ça y est, on est bien dans le Nord, welcome to the jungle ! Oihan se motive à se baigner dans cette eau plus que gelée et pleine de crocodiles ! Oui oui, il l'a fait. Apparemment, ce ne sont que des crocodiles d'eau douce, qui n'attaquent pas l'humain si ils ne se sentent pas attaqués. Pour ma part, je ne me suis contentée que de faire la photographe.



Un peu plus au Nord, au Litchfield National Park, il est interdit de se baigner car cette fois, c'est aux crocodiles marins qu'on aurait à faire si on s'aventurerait dans l'eau. Ceux-là sont connus pour ne jamais louper leur proie quand ils ont faim. Ici ils les appellent même les mangeurs d'homme. Cooool ! Oihan fait moins le malin.
On trouve quand même des sortes de piscines naturelles pour se rafraîchir.



Oihan : Ce National Park nous a fait un bien fou. Se baigner dans de l'eau douce cristalline, marcher dans les "rain forest" tropicales... On refait le plein de nature avant d'affronter le bitume, les buildings et les autoroutes de Darwin. On a la pêche ! Si bien qu'on décide d'aller en suivant à Darwin, même si la nuit est sur le point de tomber. Isabelle connaît un endroit ou dormir gratuitement sans emmerdes, donc on peu se permettre d'arriver de nuit sans le stress de ne pas savoir ou camper. Le soleil semble se coucher très tôt tant la fumée des bushfire est épaisse par endroits, il nous faut bien ouvrir l'œil pour rester à l'affût des kangourous et vaches, qui commencent à s'installer au milieu de la highway. On arrive enfin à Lee Point, un peu au nord de Darwin, et on coupe le moteur. Le van est bouillant. Il a fait chaud aujourd'hui, mais la jauge de température a quand même grimpé démesurément. Le Magic Bus nous couve quelque chose, espérons que ça ne soit pas trop grave...


Petit visite de Darwin le lendemain. Moi qui suis en général phobique de tout ce qui est un tantinet citadin, je me sens à mon aise ici. Comme m'avait prévenu Isabelle, c'est quand même très relax, très "ville-vacance". Il y a des palmiers et des parcs un peu partout, la CBD est minuscule et vraiment peu "busy", les gens sont agréables. Pas trop de backpackers pour se sentir envahis, quelques uns tout de même pour pas se sentir trop seul, bref un bon équilibre. Selon les panneaux, on peut se baigner dans la mer ("at your own risks" quand même...). Pas trop de crocos à priori, plus trop de box jellyfish en théorie... Je m'y risquerais pas, c'est vraiment trop hostile à mon goût. Je me revois au collège, regarder un documentaire sur les "méduses tueuses" d'Australie, et jurer devant Dieu que si par le plus grand des hasards je me retrouvais un jour en Australie, jamais au grand jamais je n'irais me baigner ! J'ai suffisamment dérogé à cette règle pendant ces 8 mois pour rester sur le sable quand il y a écrit noir sur blanc que l'eau grouille de ces petites "méduses-boîtes".


On se lie d'amitié avec une petite bande de backpackers, Sylvain et Julie de Toulouse / Lourdes, Jeremy et Karine de "vers Grenoble", et autres compatriotes baroudeurs. Darwin n'est pas vraiment une destination que beaucoup de backpackers choisissent. C'est plus un étape pour ceux qui font le tour du pays, ou une piste de décollage pour ceux qui veulent s'envoler vers l'Asie, si proche finalement de Darwin. Ceux qui restent sont là pour vendre leur van avant de décoller, ou se faire un peu d'argent parce qu'ils sont à sec. Pour ma part c'est un peu ça, mais on réalise assez vite qu'il ne sera pas aisé de trouver un bon boulot ici. La saison touristiques n'est pas encore tout à fait lancée, les récoltes de fruits / légumes ne sont pas du tout d'actualité. Moi, je décide de creuser la piste des "cattle-stations", ces fameux ranchs qui élèvent des troupeaux de milliers de bœufs sur des millions d'hectares. Je vois pas mal d'annonces pour être cuistot, mécanicien, jardinier, ou simplement main d'œuvre générale. Je ne pense pas que les patrons fassent les difficile, peu de backpackers sont prêts à s'enfoncer si profond dans le désert pour y rester quelques mois sans l'ombre d'un divertissement. D'ailleurs, je postule pour quelques ranchs, précisant bien que je ne suis ni cuisinier, ni mécano, mais ça a pas l'air de les déranger plus que ça. La réponse tombe quelques jours plus tard ; suite à un rapport sur les méthodes d'abattage du bœuf en Indonésie, les australiens n'ont plus le droit d'exporter leurs bêtes en Indonésie, et certains ranchs (dont ceux pour lesquels j'avais postulé) mettent la clé sous la porte.


Deuxième piste envisageable : suite aux cyclones qui se sont abattus sur le Queensland, il faut tout reconstruire. Les catastrophes naturelles, ça crée de l'emploi ! Mais beaucoup de bénévolat à priori... Je pense que je vais quand même tenter le coup. Isabelle, elle, a re-contacté Gotcha, son job de photo, et elle reprend le boulot la semaine prochaine à Cairns, au nord-est du Queensland, et surtout aux portes de la grande barrière de corail... Tout ce bidouille très bien ! C'est la seule partie de l'Australie qui lui reste à voir, et moi je peux aller la rejoindre en van, en passant par tous les endroits qu'elle a déjà vus, et en particulier le "red center" de l'Australie, travailler autour de Cairns, et reprendre la route avec elle jusqu'à Sydney pour boucler la boucle. Isabelle prend son billet d'avion pour Cairns, et je commence à chercher des compagnons de route pour ne pas voyager tout seul, et surtout ne pas payer l'essence tout seul, ce dont je serais incapable.


Les quelques points d'intérêt de Darwin :

Tout d'abord, Mindil Beach, la plage la plus célèbre et la plus proche du centre ville. Il y a la plage, les barbecues, les toilettes, les douches, les parkings à l'ombre et les étendues d'herbe ; c'est donc bien entendu le rendez-vous de tous les backpackers qui voyagent en van. Mais seulement pendant la journée. Il est bien sûr interdit de dormir sur place, donc dès qu'il est l'heure d'aller se coucher, tout le monde va se garer dans le petit spot qu'il s'est trouvé, à l'abri des rangers et policiers, et revient au QG pour le petit déjeuner. Mais à Mindil Beach, il y a aussi la plage, les barbecues, les toilettes, les douches, les parkings à l'ombre et les étendues d'herbe ; c'est donc bien entendu le rendez-vous de tous les aborigènes bourrés. La cohabitation se passe plutôt bien, les abos ne sont vraiment pas du genre à nous juger, et vice versa. Il y a tout de même beaucoup d'aborigènes pas-bourrés et tout à fait normaux, en particulier les ouvriers qui viennent prendre leur pause déjeuner ici. Ils sont très gentils, généreux, et n'hésitent pas à venir discuter. Un jour, deux équatoriens se sont installés sur un banc pour faire une petite répét, l'un à la guitare, l'autre à la flûte. Je leur ai proposé de me joindre à eux, à l'accordéon, et Sylvain le toulousain m'a emprunté ma guitare. On commence à discuter, à jouer quelques morceaux. Le courant passe bien, et la musique attire quelques curieux. Au bout de quelques minutes, on se retrouve à jouer et chanter de la Rue Kétanou avec Isabelle, accompagnés des équatoriens, d'un ouvrier gaucher qui joue sur une guitare de droitier (à l'envers donc), et d'une vingtaine d'aborigènes qui frappent des mains pendant les refrains ! On passe un super moment à jouer et chanter, en espagnol, en anglais, en français. Les abos n'en reviennent pas ! Certains nous avouent même que c'est la première fois de leur vie qu'ils voient des instruments comme l'accordéon ou la flûte de pan. C'est finalement la fin de leur pause lunch (et nous on commence vraiment à avoir faim), et c'est avec des grands sourires et gestes de la mains que l'on se dit au revoir.


Quelques jours plus tard, on arrive à Mindil Beach comme tous les matins, fraîchement réveillés. On commence à préparer le petit déjeuner quand le bus des ouvrier abos se gare à quelques mètres. Un peu étonnés de les voir ici plus tôt que d'habitude, on va les saluer et ils nous disent qu'ils sont en congé aujourd'hui pour faire des danses traditionnelles en ville. Ils sont tout excités, un rien les fait exploser de rire. Ils commencent à se peindre le corps et le visage, et viennent nous voir, le nez dans notre bol de céréales : "venez ! venez ! on va faire une danse juste pour vous ! et prenez votre appareil photo !". On a donc eu droit au réveil à quelques danses aborigènes, sur fond de didjeridoo et chant. Ils ont l'air de s'éclater, ils sont morts de rire, motivés comme jamais. Et surtout ils adorent les photos, tout le monde veut la sienne, tout le monde veut poser, puis regarder le résultat sur l'appareil... Bref, on passe un super début de matinée, et on va en suivant imprimer quelques photos pour leur offrir plus tard (on leur a demandé s'ils avaient une adresse internet pour leur envoyer les photos, mais je vous laisse deviner la réponse).


A Darwin, il y a aussi le marché, qui se déroule également à Mindil Beach, tous les jeudi et dimanche soir. C'est un marché vraiment très chouette, beaucoup de stands de bouffe, beaucoup de musique, d'art de rue. Et puis c'est marrant de voir l'endroit où on passe le plus clair de notre temps transformé deux fois par semaine en un grand marché plein de monde ! Sylvain et Julie trouvent des petits boulots sur le marché, pour aider à installer quelques stands, et moi je joue de l'accordéon. C'est d'ailleurs un bon bordel pour faire la manche ici ! Il faut s'inscrire, remplir un formulaire de 5 pages, obtenir un permit (payant bien sûr), se faire "valider" son projet par l'organisation, et attendre qu'on nous impose un emplacement... Et ça à chaque fois ! Pas très rock'n roll. Mais au final je passe une bonne soirée, je me fais un petit peu d'argent, c'est cool.


Enfin à Darwin, à part le musée, la bibli, la rue piétonne et autres points touristiques, il y a le "Nirvana". C'est un petit bar / restaurant asiatique qui organise régulièrement des concerts et des bœufs. C'est le batteur d'un groupe du marché qui nous y a invités, un batteur de fou qui joue avec un didjeridoo-iste de fou, ça sonne très drum'n bass par moments, si vous voulez écoutez : www.rawdidge.com. Bref on a été à cette soirée bœuf avec quelques backpackers, et on s'est bien marrés. Un français était très motivé pour jouer, et il nous a embarqués sur scène jouer quelques morceaux français. Deux australiens sont venus nous accompagner à la batterie et à la basse. On s'est bien amusés, ça a eu l'air de plaire, et ma foi on a gagné le premier prix : $50 de conso gratuites dans le bar. Au prix de la bière, ça nous en a offert une à chacun, mais c'est toujours ça.



Epilogue : "un peu de chance avec le garage, un peu moins avec l'aéroport"

Oihan : On avait très peur du verdict du garagiste pour cette surchauffe du van. Ca pouvait être le radiateur, le joint du culasse, la pompe à eau, bref que des trucs bien chers et bien chiants. Finalement, coup de chance, ça n'est que le bouchon du réservoir qui est pourri et donc plus étanche. On est légèrement soulagés... Il ne nous reste plus qu'à réparer nos deux pneus crevés, et le Magic Bus sera fin prêt à bouffer à nouveau des kilomètres.


En ce qui concerne l'avion d'Isabelle, c'était en théorie très simple. On allait dormir près de l'aéroport, et à 5h pétantes du matin, je la déposais devant l'aéroport. Les choses se sont un peu compliquées... Tout d'abord, la soirée d'adieu avec les backpackers s'est bien entendu éternisée, ne nous laissant plus beaucoup de temps pour dormir. On s'est quand même réveillés à temps, j'ai dit au revoir à Isabelle devant le terminal de l'aéroport, et je suis reparti dormir. Je me réveille à 9h30, et j'appelle Isabelle pour savoir si tout s'est bien passé : elle est toujours à Darwin. Problèmes techniques, elle a passé la nuit à entrer / sortir des avions, attendre, s'endormir, se réveiller... Elle a vraiment vraiment la poisse avec les avions !